À lire : Sur la notion de nations et de racines...

Sur la notion de nations et de racines...

Catégorie : Autre Éditeur : - ISBN : defaut Posté le par Liesel

Sur la notion de nations et de racines...


Précieuse par ces temps où la pulsion et les sentiments tendent à remplacer la réflexion, une pépite de pensée judicieuse, butinée - c’est le cas de le dire lorsqu’on lit le nom de son auteur ;) - à la rubrique “Courrier des lecteurs” du “Monde” (21/09/08). “Personne, semble-t-il, ne s’étonne de ce qu’on traite des « racines » chrétiennes, ou non, de la France (…) Pourtant, user de cette terminologie, c’est d’emblée placer le débat dans une certaine perspective, c’est déjà l’orienter, le contraindre.

Car « racines » renvoie à l’idée d’une source vivante à laquelle aujourd’hui même la France pourrait continuer de puiser; or, s’agissant de religion, chrétienne de surcroît, tout indique, dans le mode de penser et de vivre de nos contemporains, qu’elle n’est certes pas la sève première dont ils tirent leur substance. On est donc seulement habilité à s’interroger sur ce qu’il reste de ce qui fut une « période chrétienne » de la France. Laquelle, de même, eut une période royale, une période coloniale, etc.

Qui imaginerait de parler des « racines » royales ou des « racines » coloniales de la France (…) ? Entrer dans ce vocabulaire, c’est accepter d’emblée une certaine forme de représentation, qui a toujours été celle des traditionalistes, lesquels ont une vision « vitaliste », quasi organique de la nation – dire « racines », c’est faire entendre en fond sonore le marmonnement de Barrès, et suggérer, ciel ! que l’on pourrait « se couper de ses racines », au risque, bien entendu, du dépérissement.

Plutôt que des racines, les nations ont une histoire, qui les a conduites au point où elles se trouvent : qui les a faites à un moment donné, mais dont également elles ont su se défaire – et c’est précisément de s’en défaire qui aussi les a faites. Qu’on le dise aux enracinés ; les nations ne sont pas des végétaux; elles sont une histoire en marche – marche sinueuse, anguleuse, brisée, dont le parcours se construit tous les jours.” Guy Abeille