À lire : Nancy Cunard par François Buot

Nancy Cunard par François Buot

Catégorie : Biographie Éditeur : Pauvert ISBN : 9782720215254 Posté le par Liesel

Nancy Cunard par François Buot


Avec ses origines aristocratiques anglo-américaines, sa réputation de fêtarde déjantée des Années Folles, sa collection de 486 bracelets africains, celle, un peu plus petite tout de même d’amants noirs - musiciens américains ou intellectuels antillais et africains – l’héroïne de cette abondante biographie a tout pour passer pour une snob foldingue et égocentrique.

C’est d’ailleurs ainsi que la juge Arthur Koestler quand il la croise à Madrid en 1936. Elle y est pourtant grand reporter pour le “Manchester Guardian” et l’Associated Negro Press et fait preuve d’une vraie lucidité qui manqua à nombre de ses contemporains quand elle écrit, par exemple : “Pour tout intellectuel honnête, il est impossible d’être profasciste, et ce serait dégénérer que de se déclarer partisan de Franco, assassin des peuples arabes et espagnols.”

Nancy s’indigne aussi au passage de l’ambiance coloniale qui règne au Maroc, organise une projection privée de “Potemkine” à Londres comme elle l’a fait déjà pour “l’Age d’or” de Bunuel, après les Noailles à Paris. Elle est l’amie de Beckett, Crevel, Tzara, Neruda, du sulfureux Ezra Pound. Indépendante et souvent capricieuse dans sa vie privée, cette grande bourgeoise lucide qui jamais n’adhèrera à aucun parti politique choisit, dès le milieu de sa vie, le parti des opprimés. Une ligne de conduite intellectuelle tenue dans ses engagements d’écrivaine et d’éditrice.

Sa “Negro, an anthology”, sorte d’encyclopédie de la négritude parue en 1934, reste une référence en la matière, avec, entre autres, des notices rédigées par les jeunes nationalistes africains que sont alors le Libérien Ben Azikiwe et Kenyatta le Kenyan. C’est elle, aussi, qui inspira cet impressionnant hommage amoureux à Aragon : “La proximité des amants permet tout langage, tout devient langage dans une telle harmonie. Un homme alors se dissout, il n’a plus de vie propre.

Il est envahi par une femme comme par un parfum. Peu à peu, cette femme s’identifie à ses pensées les moins distinctes. Il porte en lui comme un écho d’elle. Chaque fois que le silence se reforme autour de lui, il sent qu’y transparaît une présence. Elle ne laisse plus de blanc dans sa vie.”