À lire : La Frondeuse, Elisabeth Coquart

La Frondeuse, Elisabeth Coquart

Catégorie : Biographie Éditeur : Payot ISBN : 9782228905008 Posté le par Liesel

La Frondeuse, Elisabeth Coquart


Cent ans après la judicieuse idée de la journaliste allemande Clara Zetkin de lancer une journée internationale des femmes, cette biographie enlevée rappelle à juste titre le passionnant parcours de son alter ego française, Marguerite Durand, celle qui a donné son nom à la très belle bibliothèque des femmes, à Paris. Peut-être sa naissance hors norme dans l’hypocrite et puritain XIXème siècle a-t-elle décidé du destin de cette rebelle hyper active. Déclarée de père inconnu par sa mère qui vivait en ménage avec le sculpteur Clésinger, la jeune Marguerite fait, elle aussi, fi des conventions bourgeoises en entamant une carrière à la Comédie française où elle devient la jeune première en vogue de la IIIème République. Elle y cultive ses premières relations politiques tel Clemenceau ou son amant George Laguerre qui fut l’avocat de Louise Michel. La cause des femmes passionne très vite l’actrice avec la rédaction d’un “Dictionnaire des femmes célèbres” qui ne trouve pourtant pas d’éditeur. “Trop d’idées à elle, bien à elle, bourdonnaient dans sa jolie tête” écrit son amie la reporter Séverine. C’est d’abord au service du “Figaro”, où elle rencontre aussi l’homme qui lui donne son fils Jacques, que Marguerite trouve à engager sa plume. Mais choquée par le machisme de la rédaction lors de la couverture du congrès féministe qui se tient à Paris en 1896, elle décide de créer son propre journal, constitué d’un personnel exclusivement féminin “parce que si nous prenions, ne serait-ce qu’un seul homme, il se trouverait toujours des gens autour pour dire que c’est lui qui fait le travail”. Ainsi naît “la Fronde”, le 9 décembre 1897. Si Marguerite laisse toute liberté d’expression religieuse ou politique à ses collaboratrices, elle garde une éthique stricte autant qu’humaniste qui lui fait refuser les papiers de Gyp, la romancière antisémite et engager son quotidien du côté des défenseurs du capitaine Dreyfus. Une partie de ses revenus provient de l’étonnant cimetière pour animaux domestiques qu’elle crée à Asnières mais ce sont de plus intéressantes causes qui conduisent la suite de la carrière de cette patronne de presse : la création de syndicats féminins (sténographes, ouvrières en plumes et fleurs, sages-femmes, caissières, etc.), le combat pour l’autorisation du travail de nuit pour les femmes, celui d’obtenir le droit de se vêtir comme elles l’entendent, y compris de porter le pantalon, de pouvoir voter, la lutte pour l’égalité des salaires entre les sexes. Bel hommage à cette femme remarquable, le livre effare et fait rire aussi quand il relate les témoignage sexistes des contemporains hostiles à l’engagement des femmes en politique comme Georges Duval, ce journaliste qui célébra ainsi la sortie de “la Fronde” : “Comment une personne qui change douze fois par an les fleurs de son chapeau demeurerait-elle fidèle à une opinion ?”